Chagrin d’amour : comment (enfin) la faire taire ?

3727

Chagrin d’amour : comment (enfin) la faire taire ?

Vous pensiez passer une super soirée à deux avec votre pote super funky, mettre la musique à fond et danser comme une débile sur du Flashdance ou du Émile et images, ou bien mettre Top-chef et cuisiner les fonds de frigo en critiquant les apprentis maitre queue ? Pour finalement s’achever sur le canapé jaune de son minuscule studio parisien, a sifflé des margaritas, à être ivre et critiquer les autres gens que vous aimez bien d’ordinaire ? Hélas, il va falloir rapidement vous faire une raison.

Le nez qui coule, le visage déformé par l’émotion, la moue risible, le cœur palpitant, les yeux bouffis, les paroles hoquetées, le regard effaré, la boite de kleenex vide, la lippe tremblotante…Vous ne vous y trompez pas, le bruit de vaisselle brisée que vous avez entendu à l’entrée c’était bien son cœur qui se brisait. Et voilà, je vous vois déjà venir, vous vous dites que votre soirée est foutue,  que tout ceci est bien embarrassant et que vous aimeriez filer à des années-lumière de cette scène de crime !

Deux choix s’offrent à vous donc :

1)     En fait, vous ne l’aimez pas tant que ça votre amie, surtout depuis cette soirée chez Mathilde ou ivre comme un tonneau, elle avait fait foirer votre coup avec ce putain de beau blond. Vous trouvez donc un prétexte bidon pour vous barrer avant les grandes eaux.

2)     Oh, le méchant sentiment de culpabilité que voilà ! Allez, il est temps de prouver que vous êtes une vraie amie, et puis devant cette épave qui se liquéfie sous vos yeux, qui resterait de marbre ?

Ach, pauvre de vous ! Avoir choisi la solution 2, c’est accepter de porter le poids d’une douleur aux dimensions variables, de trimballer des valises avec vous pendant au moins une semaine. Je vous entends déjà soupirer, y aller à reculons, pour la bonne cause dira-t-on.

L’ERREUR À NE PAS COMMETTRELa compassion.

Personne n’aime ça qu’on lui passe de la pommade sur une plaie sanguinolente, c’est infantilisant et rabaissant. En plus, cela ne fait pas avancer les choses, ça étire la complainte en longueur, rend légitimes les sanglots et les rend encore plus insupportables pour les cages à miel du malheureux auditeur. Ne jamais rentrer dans le jeu de l’apitoiement sur soi, ce ne serait pas rendre service à votre amie que de vous montrer trop complaisant. De toute façon, une malheureuse n’écoute personne hormis sa détresse.

L’empathie est un concept à éviter et il n’est pas nécessaire de rajouter une couche de « Tu sais, je comprends tout à fait ta peine ». NON, vous ne comprenez pas, c’est SON chagrin à elle, rien qu’à elle ! Quoique vous puissiez dire, vous en resterez forcément étranger, car malgré l’universalité des sentiments chaque cas est particulier à sa manière, et il n’y a aucune chance que vous ayez vous aussi, vécu une situation totalement identique. Et puis le désespoir, c’est un truc intimiste qui ne se partage pas, y en a qui ont le monopole des larmes, mais ce soir, ce n’est pas pour vous.

Bien évident les fausses phrases consolatrices du type : « Alleeez, il ne te méritait pas… » ou bien « Le prochain sera la bonne » sont à bannir, et ne devraient pas même effleurer votre esprit. Elles relèvent davantage d’une vraie incompréhension et pourraient même vous attirer les foudres d’une amie que vous avez tenté d’aider. « Ça me fait une belle jambe ! » « Putain, mais t’as vraiment rien compris !!!» risquez-vous de vous manger en retour de manivelle.

RELATIVISER

J’ai un petit faible pour cette solution puisqu’elle demande une sacrée dose de cynisme pour la mettre en œuvre. Il faut pour se faire rester de marbre, puis balancer des petites séquences assassines afin de faire comprendre à son interlocuteur que le monde continue de tourner sans lui, toujours d’un air grave. Un petit peu de catharsis ne fait pas de mal, ça permet de prendre du recul, et plus encore, de culpabiliser (sadiques refoulés, profitez-en !).

Phrases-clés :

« Ton histoire d’amour ratée, tu sais, elle est d’une banalité affligeante ! »

« J’ai connu plus malheureux que toi, ma pauvre, elle fait pitié là, ton histoire de cœur. »

« Mais Julie pense donc aux enfants soldats, EUX ils sont malheureux ! »

« Ok Paula, c’est bon, t’as le cœur brisé, mais il marche encore puisque t’as pas encore besoin d’un respirateur artificiel pour survivre ».

« Comment, et c’est juste pour ça que tu m’as fait rater Real-Inter ??? »

Allez Cricri, un jour tu l’auras ton ballon d’or…
Allez Cricri, un jour tu l’auras ton ballon d’or…

DIABOLISER 

La solution facile, vomir tout son venin sur celui qui n’est pas là pour se défendre, l’infâme scélérat responsable de cette tragédie grecque, si possible lui faire porter le chapeau, et l’accuser de tous les maux de la terre. Pour se faire, il suffit de fleurir un peu votre vocabulaire, ne pas lésiner sur les hyperboles qui rabaissent le type dans sa virilité, donc privilégier autant que possible les métaphores ayant attrait à l’impuissance.  Et puis, tant qu’à faire, autant en profiter pour mettre le paquet, et vous faire plaisir en lapidant votre victime sur l’autel sacré de la calomnie (si, si, rappelez-vous la dernière fois, la grossièreté avec laquelle il s’était exclamé « Mais dis donc, tu as grossi, Margot ! »). Autant en profiter, lui ne se gênera pas pour en faire de même.

L’HUMOUR

Attention, stratégie très périlleuse (l’amitié, tout ça, tout ça) mais très efficace si vous vous sentez les capacités d’arracher un rictus à un visage plein de morve qui sanglote. Tous les sujets sont bons pour se gausser, pourvu que la cacophonie se fasse !

On peut parler de la belle-mère de l’ex (« Tu te rappelles comment elle était raciste ? Elle serrait les fesses à chaque fois qu’elle croisait un noir ! »), des flatulences incongrues de celui qui n’est plus (« Et la fois ou au mariage de Laurent, il a lâché une caisse énorme devant le maire ! »), des prénoms moches qu’il voulait donner à ses enfants (« Augustin ? Mais il y a d’autres moyens pour rendre un enfant malheureux, le baffer, le priver de chocapic, etc. »).

Accentuez aussi vos  éclats de rire de manière exagérée, au pire, votre amie se sentira obligé de vous suivre pour ne pas que vous vous vexiez. Prenez-la ensuite par la main sans donner de crédit à ses réticences, ne lui laissez surtout pas le choix ! Musique à fond, un truc punchy type Matisyahu ou Skip the Use, et sortez les jus et alcools pour tester des cocktails infects (certaines drogues douces aussi sont conseillées pour rendre hilare). En gros, improvisez une minifête spontanée rien que pour elle, elle n’osera pas refuser vos bonnes grâces.

Ceci ne règlera strictement rien puisque la malheureuse se morfondra une fois que vous serez parti, mais au moins, vous aurez passé une bonne soirée sans vous donner bonne conscience.

N.B : c’est aussi une technique que l’on applique avec ses enfants (les vannes et les chatouilles en sus).

Chagrin d’amour
Ahahaha que je suis malheureuse, j’ai envie de me pendre…Ahahahahahahaha

IL N’Y A QUE LA VÉRITÉ QUI BLESSE 

Voici la stratégie ULTIME pour celles qui ne souhaitent pas se prendre la tête : la franchise. Ceci équivaut à raconter tout ce qui vous passe par la tête sans que ces pensées ne rencontrent un quelconque filtre de l’esprit.

Le mode opératoire est assez simple en soi-même, ne prendre position pour personne, énoncer les vérités qui blessent et qui fâchent avec le flegme d’un médecin légiste. Pas de non-dits, pas de gants, ni d’euphémismes, juste la vérité, la vraie.

L’avantage : cela permet de vider son sac et de renforcer encore plus votre relation avec votre amie, de la rendre plus pérenne (« Promets-moi que tu me diras tout à l’avenir ! », plus saine et sincère dans l’adversité (« Merci Mireille, je t’aime plus que jamais »).

L’inconvénient : que votre amie prenne tout au pied de la lettre (« C’est vrai, je suis si grosse que ça ? »), se sente trahie («Mais je te croyais mon amie ! »), se retourne contre vous (« Mais comment, tu peux dire des horreurs pareilles ? »), se défenestre devant vous ou pire, vous plante avec son couteau dernier cri en céramique (de marque Solingen, 15cm, Anticorrosion, antioxydation, Manche de forme ergonomique et antidérapante. Un excellent achat !)