Je suis contre le Féminisme parce que TA GUEULE par Murielle Wonja

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Feminisme

Nous sommes en 2014, et c’est toujours aussi important pour l’être humain de dire à tout le monde ce qu’il pense. Le truc triste c’est que des fois, ce qu’on pense vaudrait à peu près pareil qu’un énorme tas de bouse de vache. Mais il y a une parade que le même être humain, dans sa richesse et son insupportable contradiction a inventé pour les gens qui pensent de la bouse de vache : la liberté d’expression. Parlons d’un exemple très affligeant de liberté d’expression.

Women against Feminism

« Les femmes contre le féminisme »

Oui, vous avez bien lu. Pas les hommes contre le féminisme (Pour changer). Pas non plus les chats contre le féminisme, mais les femmes contre le féminisme. Au 19e siècle, naissait un mouvement qui avait comme principal objectif de combattre l’inégalité sociale entre les hommes et les femmes. En 2014, le combat continue, mais il y a des femmes qui, non contentes d’avoir largement profité des bienfaits de cette lutte, décident brusquement de cracher dans la soupe et déclarent fièrement : « Je suis contre le féminisme ». Non mais elles ne le déclarent pas juste aux gens dans la rue hein. Elles l’écrivent sur un bout de papier et postent des photos d’elles sur un site monté par une personne qui doit avoir un sens de l’humour encore plus douteux que le mien.

Je n’ai rien contre la liberté d’expression. Vraiment rien. Moi aussi j’ai souvent des idées qui ne valent pas forcément la peine d’exister mais pour lesquelles je me bats chaque jour, comme le droit à la procrastination et au manque d’inspiration devant des délais courts. Mais est-ce que j’en fais un mouvement soutenu par un Tumblr ? Non. Peut-être parce que je sais que ce genre d’idées ne mènera personne nulle part sinon droit dans le mur. Et peut-être aussi parce que l’idée en elle-même n’a pas grand-chose de solide. Et ce que je reproche justement à cette énième mouvance antiféministe pas productive pour un sou, c’est qu’elle est soutenue par deux principes fondamentaux de défonçage de porte ouverte qui débouche direct sur un mur : l’ingratitude et l’ignorance.

Pourquoi les femmes contre le féminisme sont des ingrates.

I don’t need feminism because victim mentality is a personnality disorder : Je n’ai pas besoin du féminisme parce que la victimisation est un trouble de la personnalité.
I don’t need feminism because victim mentality is a personnality disorder : Je n’ai pas besoin du féminisme parce que la victimisation est un trouble de la personnalité.

Ok. Alors, pour ta gouverne, jeune dame qui a eu l’excellente idée de voiler ton visage à la face du monde, avant de souffrir d’un trouble de la personnalité diagnostiqué par le psychologue d’en bas de chez toi, la femme féministe a été une victime. C’était une femme qui vivait mal le fait de ne pas jouir des mêmes droits que les hommes, dans un contexte socioculturel qui la considérait comme « inférieure ». C’était une femme qui en a eu marre de souffrir en silence, et a décidé de se battre pour que d’autres ne souffrent plus. C’est grâce à cette femme, victime d’hier, que toi, ingrate d’aujourd’hui, tu peux voter, travailler, étudier, faire du sport et accessoirement, poster des âneries sur internet. Maintenant il faut tous qu’on soit d’accord sur un fait : ne pense pas que tu t’es levée le matin de tes vingt ans en réalisant que tu avais une poitrine et aucune raison de te plaindre. Ce qui te rend aussi forte et libre aujourd’hui provient de décennies de travail acharné, de railleries et de refus. Donc la prochaine fois que tu auras envie de jouer la petite maligne qui n’a besoin de personne, dis merci à celles qui ont rendu ça possible.

Pourquoi les femmes contre le féminisme sont des ignorantes.

Si vous parcourez ce maudit Tumblr vous vous rendrez vite compte que la plupart des billets tournent autour de « Je suis contre le féminisme parce que je préfère l’égalitarisme » (Bravo pour l’enfonçage de porte ouverte), « je ne suis pas une victime » « Je suis forte, j’ai faits des études et je ne me sens pas inférieure à l’homme ». Voilà, en gros on a des femmes équilibrées qui n’ont pas peur de s’affirmer en tant que femmes. Je vais reformuler pour qu’on se rende tous compte de la drôlerie de la situation : on a des féministes dans l’âme qui sont contre le féminisme.

I don't need Feminism because...
I don’t need Feminism because…

Je crois que voici le problème dont souffre le féminisme depuis sa création : des femmes se révoltent contre l’oppression d’un système patriarcal. Mais vu que ce système a été mis en place par des hommes, tout le monde a l’air de mal le prendre et se met à penser que les féministes en veulent à tout ce qui a un pénis. Non, le féminisme en réalité souhaite que toutes les femmes, grandes, petites, étranges, ennuyeuses, mères, jeunes, vieilles… soient bien, vivent bien, soient respectées, ne souffrent plus d’injustice parce qu’elles sont des femmes.  Mais vu qu’à la base, la simple évocation du terme « féminisme » fait sursauter parce qu’il implique historiquement la révolte contre un système en place, les réactions négatives tournent autour de  la raillerie machiste ou du rejet, selon le genre auquel on appartient. Vous étalez ça sur plusieurs années et en 2014 on obtient un portrait de la féministe complètement caricatural :

–          Refuse de se raser les jambes et les aisselles, a un problème avec ce qui fait « trop femme »

–          Se transforme en Diable de Tasmanie dès qu’elle voit passer un homme.

–          A une vie sexuelle un peu triste. (Tu y reconnaitras un euphémisme à la très célèbre expression « mal baisée », qui désignera selon les cas les carriéristes, femmes au foyer, sportives, bref des personnes qui assument le fait de s’assumer.)

–          Hystérique, hypersensible, n’a aucun sens de l’humour.

–          A ses règles tous les jours de l’année (ce qui explique son comportement colérique)

–          Passe son temps à se plaindre, voit de l’injustice partout, surtout là où il n’y en pas (Comme dans le viol par exemple.)

–          A parfois des mœurs légères mais ne supporte pas qu’on la traite de fille aux mœurs légères.

Et on obtient par la même occasion des femmes qui sont contre les droits des femmes. Et c’est les féministes qu’on traite de contradictoires ? Attendez que je fasse un Facepalm. Non pas sur ma face, sur la leur.fem

 Je veux bien que l’on soit contre le fait de brûler son soutien-gorge, parce que forcément après, comment tu fais sans soutien-gorge. Je veux bien qu’on soit contre les poils, mais affirmer « être contre le féminisme » et donner comme raison « ça ne me dérange pas qu’un mec me tienne la porte lorsque j’entre quelque part », là c’est juste tomber dans le piège de la raillerie machiste. C’est ne pas tenir compte de l’histoire, de tous les courants féministes (parce qu’il y’en a tellement, qui militent pour tellement de choses différentes) qui sont nés et continuent de naître avec le temps, c’est s’exclure du débat, car que ça vous plaise ou non mesdames, il  existe un débat sur la condition féminine dans le monde, il était là avant vous. Et pendant que vous vous amusez à taxer TOUTES les féministes d’apprentis mecs qui refusent de faire la cuisine à leurs hommes, ces dames militent pour que des petites filles aient le droit d’aller à l’école, postent des vidéos pour lutter contre le harcèlement de rue, vont jusqu’à se déguiser en homme pour dénoncer le profilage sexiste dont certains employeurs font souvent preuve.

I don't need feminism because...
I don’t need feminism because…

C’est bien de s’exprimer, mais c’est encore mieux de s’exprimer pour dire des choses UTILES, par pour répandre des inepties sur la toile et salir l’image d’un mouvement qui part d’un malaise social et se bat depuis pour le bien-être de tous. Femmes contre le féminisme, je vous exhorte à aller vous documenter un peu. Apprenez-en un peu plus sur les différentes vagues de ce mouvement que vous critiquez sans visiblement le connaitre, et revenez une fois que vous aurez les idées claires, qu’on discute de pourquoi le mot en « isme » vous fait si peur que ça.


Cet article a été rédigé par Murielle Wonja

Bio de Murielle : Conteuse de charmantes et incohérentes fadaises sur la vie, les chiens et
les voisins qui piratent ton wifi, je suis partagée entre écrire pour imager ce que j’absorbe du monde et raconter n’importe quoi pour mieux me faire comprendre. Du coup je fais les deux en même temps et comme rien de tout ça ne marche, je pense à essayer la batterie.

Twitter : @Mkilljoy