Afro Inspiration – Natacha Odonnat, Auteure de “Au secours, je suis enceinte!”

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DiasPortrait - Natacha Odonnat, Auteure de Au secours de je suis encein

Natacha Odonnat nous fait découvrir son ouvrage “Au secours, je suis enceinte!”. Onze histoires mettant en scène des futures mamans d’Haïti et de la Martinique. Un premier ouvrage pour cette auteure de la Martinique installée depuis peu à Montréal.

DiasPortrait - Natacha Odonnat, Auteure de Au secours de je suis enceinte

Présentez-vous pour nos lecteurs ?
Je suis Natacha Odonnat. 29 ans. Mariée, deux enfants. Originaire de la Martinique. Économiste de la santé de formation, spécialiste des pays en développement et en transition. Cela fait très carte d’identité, mais je dois dire que cela m’est toujours difficile de parler de moi.


Vous avez vécu en Martinique et en Haïti avant de venir à Montréal, 
quels souvenirs en gardez-vous ?

Je suis née et j’ai grandi en Martinique. J’y vais d’ailleurs régulièrement pour me ressourcer. J’ai vécu cinq ans en Europe (France et Espagne), quelques mois au Cameroun et en Bolivie. J’ai travaillé près de trois ans en Haïti. Tous mes voyages, toutes mes rencontres humaines, mon éducation se lisent dans mon recueil de nouvelles « Au secours, je suis enceinte ! »


Est-ce votre premier roman ? Pourquoi le sujet des futures mamans vous 
a t’il inspiré ?

« Au secours, je suis enceinte ! » n’est pas un roman, mais un recueil de nouvelles. Chaque histoire a sa propre raison d’être, son unicité. La lectrice ou le lecteur peut choisir une histoire et s’y plonger. Il n’y a pas véritablement d’ordre à respecter. Cependant celui ou celle qui choisira de lire le recueil du début à la fin comme il le ferait pour un roman se rendra compte qu’il y a tout de même une sorte de chronologie, un cheminement logique. Une vie rêvée qui devient de plus en plus réelle au fil de la lecture.

Le sous-titre, « Écrits cathartiques d’une jeune femme enceinte », a toute son importance. En effet, le recueil de nouvelles est le fruit d’un processus littéraire particulier, celui de la catharsis. Il s’agit par l’écriture de se libérer d’émotions qui pourraient entrainer à la folie. Dans mon cas, il s’agissait de me créer un environnement émotionnel plus sain en vue d’accueillir ma fille. C’était ma première grossesse. Et franchement, je dois dire que cela a été un succès.

J’ai pris le temps de mettre la main puis les mots sur mes peurs et j’ai choisi de m’en libérer par l’imaginaire. J’ai fait d’histoires vraies qui me hantaient et dont je n’avais pas tous les tenants et aboutissants, des fictions épicées aux saveurs afro-caribéennes. Une nouvelle cependant, « Je veux croire à la vie », relate ce que j’ai vécu pendant et suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti. Je n’y parle pas de grossesse, mais j’en fais un hymne à la vie, qui a toute sa place dans le recueil.

Cela m’a fait du bien de me raconter toutes ces histoires libératrices alors j’ai voulu les partager.



Quelles sont les particularités d’une grossesse dans les Caraïbes ? 


À première vue, quelques soient les latitudes une grossesse reste une grossesse. Une jeune lectrice d’une école secondaire de Sainte-Marie, ma ville d’origine en Martinique, où j’ai eu à intervenir au cours du mois d’octobre dernier, me posait la question suivante : « Pourquoi dans vos nouvelles la grossesse est-elle vécue comme un problème ? »  Nous étions en cours de français, je lui ai donc répondu que dans un récit, il faut un problème pour que les personnages évoluent et changent au cours de l’histoire.

Mais si nous essayons d’aller au fond des choses, la grossesse est effectivement vécue, même de manière inconsciente, comme un problème dans les Caraïbes. Une même incertitude plane sur nos origines. Nous sommes en général incapables de retracer notre généalogie au-delà de l’arrivée d’un premier ancêtre accouché du ventre ténébreux du bateau négrier en provenance d’Afrique.

L’étalon choisi par le maître pour renouveler son stock d’esclaves engrosse mère et fille. Ceux qui naissent se savent de la même lignée maternelle, mais préfèrent ignorer l’intervention masculine qui leur ferait se rappeler qu’ils sont à la fois frères, oncles et neveux les uns pour les autres.

L’esclavage est fini me direz-vous. Pourtant nombre de nos hommes continuent de se comporter comme des étalons, comme s’il s’agissait là finalement d’un patrimoine devenu génétique. Nombre de femmes élèvent seules leurs enfants. Et l’histoire se répète.

Le mariage me semble envisagé par certaines couches de la population comme le moyen de contrer la malédiction. Mais comment lorsqu’on vous présente une grossesse hors mariage comme un péché y voir une magnifique manifestation de la vie, une nouvelle chance pour nos sociétés ? De plus, l’opprobre est généralement jeté sur les filles-mères. La sentence est souvent définitive : « Tu as gâché ta vie ». Elles voudraient bien que leurs enfants n’aient pas à vivre ce qu’elles vivent, mais la plus belle femme du monde donne ce qu’elle a.

Ainsi, mes histoires dépeignent des scènes de vie bien antillaises. Néanmoins, elles se veulent porteuses d’un message de tolérance et d’espoir.

Pourquoi nous avoir fait plonger dans 11 univers différents ?

J’ai toujours plein d’histoires dans la tête. Je suis très curieuse de nature. Je ne parle pas beaucoup. J’observe, j’écoute, j’analyse.

Une grossesse n’arrive jamais seule. Il faut un homme. La parole est donc également donnée aux hommes dans mes nouvelles. Un homme se retrouve même enceint.

Il faut une femme. Aucune grossesse ne se ressemble, chaque femme est unique et je voulais aborder divers problèmes. Le genre de la nouvelle s’y prêtait bien. Chaque histoire aborde une problématique différente : la jalousie, le déni de grossesse, le rejet familial, les relations mère/fille entres autres.

Vous dites que les femmes sont des héroïnes, pouvez vous en dire plus ?

Dans la première nouvelle « La folle de Pétion Ville », mon héroïne est une belle femme noire naturelle d’Haïti. Elle est une leader dans sa zone et incite les femmes à travailler au reboisement des villages. Elle est fière et sûre d’elle. C’est une femme très moderne même si l’environnement dans lequel elle évolue ne l’est pas. La vie l’atteindra durement, mais il est essentiel de retenir la femme forte qu’elle a été.

Chaque femme dans les combats qu’elle mène au quotidien et en dépit de ses imperfections (mes femmes ont souvent de drôles de caractère) est une femme remarquable.

L’un des chapitres s’intitule “Naitre le premier combat de la vie” 
pourquoi abordé la naissance sur le thème du combat ?

L’accouchement est aussi un moment difficile pour un bébé. Sa piscine se vide, il n’est plus protégé par son bouclier amniotique, il doit quitter le confort de sa bulle et s’aventurer dans le col. Les contractions le poussent vers l’inconnu. Son cœur peut s’emballer. Il quitte les chaudes ténèbres des entrailles maternelles pour la lumière froide du monde. Va-t-il y arriver ? Passera-t-il le tunnel ? Devra-t-il se faire aider ? Après toutes les péripéties vécues, heureusement des bras aimants et une poitrine nourricière l’attendent.



Au secours, je suis enceinte, fera t’il peur aux futures mamans ou leur 
”feront croire à la vie” ?

« Au secours, je suis enceinte ! » est mon premier livre. Il me fallait de ce fait, trouver un titre accrocheur pour susciter l’intérêt, la curiosité, voire choquer.

La page de couverture n’arrange pas l’affaire, je le conçois, dans le sens où ce n’est pas l’image policée de la grossesse communément véhiculée. Il s’agit d’un collage réalisé par mes soins, qui illustre l’univers des nouvelles. La couleur verte rappelle la nature. Les gouttes d’eau : la vie ; les courbes : la maternité-processus ; les angles : la maternité-lieu ; la peur voir l’effroi (dans les yeux du personnage); le jaune pour le ton léger. Quoique certaines histoires soient dures, il est sûr que vous sourirez à certains moments, éclaterez de rire à d’autres.

Les nouvelles sont intemporelles, écrites dans un style moderne et simple, mais avec plusieurs niveaux de lecture. Les adolescentes, les jeunes femmes en quête de réponse s’y retrouveront. Les hommes aussi. Oui, messieurs ! Quoi que l’on veuille bien vous faire croire, les femmes ont besoin de vous, et elles veulent bien vous donner les clés pour mieux les épauler.


Vous êtes publié aux Éditions Mon Petit Editeur, cela a été difficile 
de trouver une maison d’édition ?


Il n’est pas facile de trouver un éditeur surtout lorsque l’on veut être publié à compte d’éditeur. La maison d’édition fait un pari audacieux en investissant sur une inconnue. Mon Petit Editeur permet à de jeunes auteurs d’être publiés à compte d’éditeur. Il s’agit d’une filiale de Publibook, un des leaders de l’autoédition. Mais avec Mon Petit Editeur, il y a un comité de lecture qui apprécie la qualité du manuscrit et sa capacité à rencontrer son public. Chez Mon Petit Editeur j’ai eu une liberté d’écriture (ce dont j’avais besoin pour mon exercice cathartique) qui peut être difficile à gérer pour un éditeur classique.

Mon livre est un recueil de nouvelles, donc de fictions. Mais pourtant j’ai eu envie d’y insérer des notes de bas de page pour expliquer certains mots, certaines expressions, comme on le ferait pour un essai. Cela me paraissait nécessaire notamment parce qu’il y a de nombreuses phrases en créole martiniquais et haïtien, des noms de plats, de fruits typiques. Pourtant mon livre n’est pas réservé à une communauté, n’est pas régionaliste, mes écrits sont ouverts à toutes les cultures. J’ai simplement voulu donner à mes lecteurs et lectrices les outils pour mieux se plonger dans les histoires.

J’ai recours à plusieurs genres littéraires. On retrouve des allusions au conte, au genre épistolaire, au journal. Est-ce réellement de la fiction ? Est-ce un témoignage ? Un essai sur la grossesse ? Au final le manuscrit considéré dans son ensemble peut avoir l’air d’un GLNI (genre littéraire non identifié).


Quel regard portez-vous sur la littérature martiniquaise ?


La littérature martiniquaise est riche de grands auteurs tels Aimé Césaire, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Tony Delsham, Marie-Reine De Jaham, Suzanne Dracius entre autres. Raphael Confiant travaille à rendre au créole martiniquais ses lettres de noblesse. Il vient de publier une traduction créole de « L’Etranger » d’Albert Camus.

Une nouvelle génération d’écrivains émerge afin de témoigner des réalités de l’île, penser et panser la société. Un jeune auteur, Alexandre Tellim y travaille fortement. Nadia Chonville est aussi une auteure à la plume très affutée.

Vous remarquerez qu’il y a peu de femmes. Je faisais la remarque à des amies qui ont étudié la littérature tout comme moi (collège et première partie de mes études universitaires). Je les poussais fortement à écrire et à publier. Et je me suis dit pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas essayer ? Voyons voir si je peux avoir un lectorat. En plus, j’ai des choses à dire.

Quel conseil partageriez-vous aux jeunes écrivains ?
Lisez « Perdition » belle métaphore du parcours du combattant de l’écrivain pour trouver une maison d’édition. J’ai éliminé d’emblée toutes les maisons d’édition à compte d’auteur. Si vous optez pour cette option, soyez vigilant. Les prix proposés flirtent souvent avec le firmament. Faites lire le contrat par un avocat ou un(e) agent(e) littéraire expérimenté(e). Quelques conseils généraux :

  • Vous avez un manuscrit fini, faites le lire par vos proches et demandez leur d’être honnête sur la qualité de votre travail tenez compte de leur remarque et retravaillez votre manuscrit si nécessaire.
  • Aussi  faites-vous aider par un(e) agent(e) ou un(e) conseiller(e) littéraire pour que votre manuscrit réponde aux exigences de qualité des maisons d’édition.
  • Attention à l’orthographe et la grammaire. C’est rédhibitoire.
  • Avant d’envoyer votre manuscrit à une maison d’édition, vérifiez son répertoire pour être sûre que vos écrits correspondent à son catalogue.
  • Envoyez un manuscrit fini. (J’ai rajouté six nouvelles après avoir signé mon contrat, une heureuse erreur quand même)

Un dernier mot pour AfrokanLife?

Je vous félicite pour le travail de divulgations des cultures afro-caribéennes que vous réalisez. Je vous remercie.

“Au secours, je suis enceinte!” disponible ici à Montréal : Librairie Olivieri 5219 Côte-des-Neiges.
En vente depuis le mois de mars 2012 en ligne au format papier, numérique, et e-book. Il est possible d’en lire quelques lignes en cliquant sur ce lien: www.monpetitediteur.com/librairie/livre.php?isbn=9782748379877