Promis ! Demain, J’arrête De Procrastiner par Murielle Wonja

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Procrastination: Du latin procrastinatio, de pro (« en avant ») et crastinus (« de demain »), dérivé de cras (« demain ») 

Il y a quelques semaines de cela, quelqu’un – dont on taira le nom mais qui peut facilement être identifié comme la personne qui te fait cordialement détester le lundi – t’a confié un travail. Parce que tu es brave et que tu ne rechignes jamais devant l’effort, tu as accepté le challenge. Sauf qu’au lieu de t’y mettre séance tenante, tu as fait deux trois recherches sur Google, manipulé tous les objets sur ton bureau jusqu’à découvrir qu’en fait ils peuvent servir à plein de choses en plus de ce à quoi ils servent naturellement. Tu t’es bien sur félicité de cette découverte et au moment où tu songeais à la breveter, une discussion sur un réseau social a attiré ton attention. Et finalement te voici, à quelques secondes du jour J en train de transpirer, avaler des litres de café et te demander pourquoi tu attends toujours la dernière minute pour faire quelque chose qui finalement n’était pas si compliqué. Si cette scène t’est vaguement familière, tu es bien tombé. Ami procrastinateur, ce n’est pas Forbes qui te parle sur ce coup ci. C’est ta sœur en foutage-de-rien-au-lieu-de-travailler.

 

Je suis accro à la procrastination et je crois que ça se soigne.cocktail

Rassure-toi, je ne me suis pas levée un beau matin et j’ai constaté que je souffrais de ce mal. Parce que oui, ce n’est pas juste un terme qui définit ce qu’on fait, c’est une maladie, au même titre que le coloriage a droit à sa Journée Mondiale. Et oui, j’ai découvert le truc sur le coloriage en procrastinant, qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ?!

La pression du dernier moment, cousine lointaine de la mauvaise organisation.

On ne te l’explique plus, le phénomène maudit consiste à remettre au lendemain, ou au jour d’après le jour d’après du jour d’après. Moi aussi je me suis racontée plein d’histoires à la noix pour me justifier, celle qui arrivait toujours en top du classement étant “La pression ressentie au dernier moment stimule ma productivité”. Si toi aussi il t’est arrivé d’employer cette formule, laisse-moi te dire une bonne chose: c’est du grand n’importe quoi. La vérité est qu’on a largement eu le temps pour combiner recherches, brouillon, correction et mise au propre. Mais parce qu’on a très mal géré ce temps, on est obligé de bruler les étapes et de se contenter d’un rendu approximatif. Approximatif c’est mieux que rien, en plus c’est pratique parce qu’on a l’excuse de “si on avait eu plus de temps, on aurait  fait mieux”.

 Il y a tellement d’articles qui nous parlent de mauvaise organisation et de comment s’en sortir. Mais je soupçonne les auteurs d’être des gens super organisés dans leur vie, qui ne savent pas vraiment ce que c’est que de faire une fixation sur les motifs de la cravate de son N+1 et ne plus rien entendre de ce qu’il nous raconte. Ces articles qui te donnent des conseils pratiques comme “s’éloigner de toute source de distraction pour pouvoir avancer”, alors que bizarrement, on s’est toujours vu comme quelqu’un qui a besoin d’être distrait pour pouvoir avancer. Un artiste dans l’âme. Ça aussi, c’est du grand n’importe quoi.Shut up ur mouth

Dans l’attente d’une plus ample motivation.

Pour avoir roulé ma bosse avec des créatifs, je maîtrise assez le concept d’attendre que ma jauge de motivation soit pleine avant de démarrer un projet. C’est qu’on a tendance à voir la motivation comme une fée bienfaitrice, qui n’a clairement rien d’autre à foutre de sa journée que de nous surveiller, guettant avec une bienveillante patience le moment où elle pourra nous annoncer avec une mélodie symphonique en fond sonore “ça y est, tu es prêt !”. Non sérieusement, il n’en est rien. La motivation ça marche comme l’appétit, en réalité ça vient en travaillant, et non l’inverse. Siffloter en attendant que les idées se pointent d’elles-mêmes, c’est le moyen le plus indiqué pour atteindre notre objectif secret de ne rien réaliser. Parfois il suffit juste de respirer un bon coup, lister nos besoins, jeter tout ce qui nous passe par la tête sur un papier et ignorer cette petite voix qui nous murmure qu’on y est pas encore et qu’on n’y sera jamais de toutes les façons donc à quoi bon s’acharner… Oui, ignorons-là.

Le Jutsu ancestral du couteau suisse.

Plus connu sous le pompeux terme de “multitasking”, il consiste pour les procrastinateurs encore en phase de déni, à ajouter encore et toujours plus de tâches à leur planning, parce qu’ils se voient comme des superhéros qui peuvent remplir plusieurs fonctions à la fois pendant que les humains normaux se contentent de respirer et de dormir. Il s’agit d’une technique vieille comme le monde, qui puise son origine dans une légère incapacité à dire non/stop et se clôture dans la majorité des cas par le célèbre tweet “Ce moment où tu as tellement de choses à faire que tu finis par ne rien faire du tout :-(“. Parce qu’au final, c’est à ça que se résume notre existence de dépendants aux missions qu’on nous confie: ne plus trop savoir laquelle est prioritaire et regarder des vidéos marrantes de chats sur Youtube en espérant que la to-do list raye elle-même ses stupides tâches. On en revient à ce fameux problème d’organisation. Commencer et terminer un travail, même s’il nous semble insignifiant, est quinze, vingt, quarante fois mieux que d’en commencer plusieurs qu’on va laisser en plan. productivity

C’est aussi valable  si on a toujours pensé qu’on est le genre de personnes qui a besoin de switcher sans transition d’une activité à l’autre pour rester performant. C’est quand même incroyable, le taux de comptes de fées dont on se nourrit au quotidien pour être mieux dans sa peau.

La peur, c’est le début du courage.

Je l’ai découvert récemment, l’une des insidieuses raisons de la procrastination en série se trouve être la peur. Non, pas celle de la blonde qui trébuche en hurlant “à l’aide!” dans la forêt parce qu’un mec armé d’une tronçonneuse la pourchasse. Une peur plus commune, qu’on croise un peu tous les jours dans ce monde de fous qui nous abreuve de standards de réussite. La peur de l’échec. La peur de mal faire, d’être jugé, de ne pas être à la hauteur de la situation. Si vous creusez plus profond, vous trouverez que des psychologues ont relié le phénomène de procrastination à l’anxiété et à la mauvaise estime de soi. Là je parle des vrais procrastinateurs, ceux qui s’automutilent au quotidien et se trouvent nuls de ne pas progresser sans raison valable, tout en s’auto-sabotant chaque fois qu’ils arrivent à produire le moindre effort.

 Ami procrastinateur, c’est clair qu’un complexe de supériorité serait plus pratique, surtout lorsqu’on a souvent l’impression de vivre en attendant que l’autre nous rassure sur nos véritables forces. Eh bien devine quoi, c’est parfaitement humain de se lever le matin et de ne voir que son visage à la place de celui de Superman. Mais cette angoisse qui me serre la gorge chaque fois que je me retrouve en galère devant une page blanche, j’apprends à la voir comme un défi plutôt qu’une fin en soi. Et ma peur de l’échec est plus facile à surmonter, quand je vois chaque échec comme une opportunité de faire mieux. Oui, voilà, je ferai mieux DEMAIN, parfaitement !serieux


Cet article a été rédigé par Murielle Wonja

Bio de Murielle : Conteuse de charmantes et incohérentes fadaises sur la vie, les chiens et
les voisins qui piratent ton wifi, je suis partagée entre écrire pour imager ce que j’absorbe du monde et raconter n’importe quoi pour mieux me faire comprendre. Du coup je fais les deux en même temps et comme rien de tout ça ne marche, je pense à essayer la batterie.

Twitter : @MessyDawn

Blog: Diet City Punchlines