Afro Inspiration : Alfred Zebi, CEO de l’agence de marketing sportif P.A Sports

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Après, Hakim Djelouat et Solange Droual, nous poursuivons nos interviews d’experts du sport africain. Nous sommes allés à la rencontre d’Alfred Zebi, gérant de P.A Sports, Agence spécialisée dans le marketing sportif ivoirien.

À 3 mois de la Coupe du Monde, nous avons évoqué la situation du football et du sport business en Cote d’Ivoire ainsi que les chances de voir les Eléphants briller durant le Mondial Brésilien.

messiRenoi

Présente-toi à nos lecteurs.

Bonjour, je m’appelle Alfred B. Zebi, je suis Gérant à P.A Sports. Je suis juriste, avocat de formation, j’ai travaillé entres autres à Ernst & Young dans l’équipe Afrique, à la Banque Africaine de Développement (BAD) et aux Nations Unies (PNUD) à New York.

D’où vient ta passion pour le sport ?

J’ai joué au football dans ma jeunesse, à Rodez (France) jusqu’en cadet national. J’ai même été approché par de grands clubs et j’aurai pu entamer une carrière professionnelle si les parents avaient voulu mais à l’époque, le football n’était pas la carrière souhaitée pour un enfant qu’on envoyait en France. J’ai des amis qui ont fait carrière. Sans prétention de ma part, j’avais le niveau pour jouer au plus haut niveau. J’ai des amis de ma promotion tel qu’Anthony Bancarel qui a joué à Toulouse et Marseille. Par contre, j’avais un ami qui était le meilleur de nous tous et qui pour des raisons de blessures et de malchance n’a jamais pu réussir. Au final, les études c’est quand même la sécurité. Et puis ma carrière de juriste m’a permis de côtoyer pas mal de sportifs (basketteurs, footballeurs, athlètes…).

Ernst & Young et la BAD travaillent sur des dossiers axés sur le sport ?

Mutombo

Chez Ernst, nous avons eu un client, Constant Némalé (actuel PDG de Africa 24), qui avait un projet d’une émission de basket NBA pour l’Afrique et que nous avons accompagné et qui m’a mis le pied à l’étrier. Grace à lui, j’ai pu rencontrer des gens comme David Stern, l’ancien grand patron de la NBAet des basketteurs comme Hakeem Olajuwon,Dikembe Mutombo, des basketteurs français, des anciens footballeurs avec lesquels on a essayé de mettre en place des choses.

Lors de mon passage à la BAD en Tunisie, j’ai côtoyé des sportifs dans des situations délicates. Des jeunes footballeurs souvent ivoiriens qui arrivaient avec des visas de court séjour et qui se retrouvaient très vite en situation illégale et abandonnés de tous lorsqu’ils ne réussissaient pas. Etant juristes de la BAD, on avait des connexions et on en a aidé quelques-uns (dont un qui fait aujourd’hui une très belle carrière et a même joué la Ligue des Champions).

Ces actions m’ont permis de garder un pied  dans l’univers du football. J’ai par la suite accompagné des footballeurs comme Yapi Gilles sur leurs contrats. De fil en aiguille la passion du foot a permis de rencontrer et même travailler avec des juristes spécialisés dans le football comme Maitre Prosper Abega, et puis d’autres footballeurs, de vivre pleinement la coupe du monde de Football en Afrique du Sud. Quand je suis rentré en Cote d’ivoire et j’ai voulu monter P.A Sports afin de me lancer dans le marketing sportif.

Pourrais-tu nous présenter P.A Sports ?

P.A Sports essaie de trouver une place pour le marketing sportif en Cote d’ivoire. Il y a eu des structures il y a quelques années mais elles n’ont pas toutes survécues. On a eu à travailler avec ancien tennisman ivoirien qui a lancé son centre de formation, on accompagne en ce moment un projet avec Didier Drogba qui lance sa marque de sous-vêtements et on travaille avec la Fédération ivoirienne de football autour du sponsoring du Championnat. Nous sommes consultés par la Fédération ivoirienne de football de temps à autres et travaillons avec la Mutuelle des Anciens Footballeurs de Cote d’Ivoire. On espère élargir notre domaine de compétences dans les années à venir.

Que vaut le sport business en Cote d’Ivoire ?

ahoure...La situation ivoirienne était un peu compliquée avec la crise. Avec l’économie qui repart les affaires vont certainement reprendre dans l’industrie du sport. Je pense qu’il y a un vrai potentiel. Malheureusement le football est devenu un véritable poids lourd et il est trop omniprésent. Ca nuit à la visibilité et aux financements que pourraient avoir les autres disciplines.

Les bonnes performances de l’athlète Murielle Ahouré ont permis de montrer que les gens étaient prêts à s’intéresser à autre chose que du football. Elle a aujourd’hui acquis une vraie notoriété en Cote d’Ivoire. Plusieurs sponsors la suivent et sont prêts à l’accompagner pour les Jeux Olympiques de Rio. Elle a d’ailleurs récemment battu la championne Jamaïcaine Shelly Ann Fraser lors du meeting de Birmingham.

Le foot en local se développe?

Le championnat ivoirien est loin de ses années de gloire. On a connu des matchs au Stade Félix Houphouët Boigny pour des derbys locaux qui étaient pleins. Aujourd’hui le championnat a perdu de sa notoriété. On se retrouve souvent avec des stades à moitié vides.

Quelles sont les causes ?

La présence de nos stars à l’étranger a été un des premiers facteurs du désintérêt des ivoiriens pour les championnats locaux. Les gens ont préféré regarder les championnats étrangers. Les médias ont permis un meilleur suivi de ces championnats. Il y a quelques années en Afrique, on ne pouvait pas suivre les rencontres en Angleterre, en Allemagne, en Espagne.  Aujourd’hui l’offre est beaucoup plus accessible via notamment Canal+.

L’explosion des médias conjugués à celui de nos stars internationales Drogba, Yaya Touré, Kolo Touré, Gervinho a fait que les gens préfèrent rester tranquillement devant leur télévision à regarder les matchs plutôt que d’aller au stade.

L’autre cause, ce sont les jeunes désireux de partir vite à l’étranger. On ne prend plus le temps de s’aguerrir.Dès qu’un joueur est intéressant, il est happé par le système et part à l’étranger parfois dans des championnats de seconde zone, pas très importants (au Maghreb, en Asie…). Ces jeunes partent trop tôt et cela appauvrit notre championnat.

Comment garder les joueurs en Cote d’ivoire ?

Il nous faudrait un championnat professionnel avec plus de moyens. Il faudrait que les sponsors prennent conscience que le championnat national est important. Et que c’est ce championnat qui nous permettra d’avoir des stars demain.

Le championnat ivoirien est- il médiatisé ?

La 1ere division a toujours été retransmise. La fédération a négocié avec la télévision nationale même il y a de la concurrence aujourd’hui contre ce championnat. L’attrait du championnat à la télé passe par une retransmission de qualité similaire aux championnats étrangers, cela passe donc par de gros moyens et malheureusement les télévisions ne sont pas toujours prêtes à mettre cela en place.

La télévision est-elle le seul support ?

Internet et les nouveaux médias complètent la retransmission. Les gens ne sont pas toujours devant leur écran. Avoir des sites partenaires permet de relayer les informations et les scores en direct, c’est très intéressant pour notre championnat.

De plus, internet permet aux personnes qui ne sont pas en Cote d’ivoire d’avoir accès à notre championnat, ça contribuera indéniablement à relancer le championnat national.

La Coupe du Monde arrive, la participation de la Cote d’Ivoire peut elle avoir un impact sur le développement du football en CI ?

Elephants de cote d'ivoireÇa aura un impact. Ça met en valeur nos stars, et donc la Cote d’ivoire, même si on est à notre 3participation consécutive à la Coupe du Monde et en Cote d’Ivoire on à tendance à vite banaliser les choses. Il y a une génération qui tend vers la fin. Il faudra bien gérer la transition. Si cette génération va loin au Mondial, ça va créer des vocations. Ça va permettre un attrait sur le foot ivoirien et il faudra donc optimiser cet impact pour trouver des nouveaux sponsors désireux de miser sur le football dans l’optique de trouver les stars de demain. Continuer le travail formidable accompli qui nous a permis d’avoir les magnifiques joueurs que nous avons aujourd’hui.

Jusqu’où la Cote d’ivoire peut aller durant ce mondial ?

Avec le Japon, la Grèce et la Colombie, nous avons pour une fois un groupe a notre portée. Je suis optimiste. On peut battre ces trois équipes. Une fois qu’on aura crée la synergie et qu’on sera rentré dans le tournoi qui sait de quoi nous serons capable. Si nous parvenons à sortir des poules, on peut aller en quarts ou en demi, voir jusqu’au bout.

Et les autres équipes africaines, tu les vois aller loin ?

Outre la Cote d’ivoire, la meilleure chance de l’Afrique pour le mondial est le Nigéria. Le Ghana est tombé dans un groupe très difficile, mais c’est une grande équipe aussi donc on ne sait jamais. Le Cameroun aussi est mal tombé avec le Brésil, le Mexique et la Croatie mais ce sont des formidables compétiteurs.

Seras-tu au Brésil lors du Mondial ?

Bien sur, en tant que spécialiste du marketing sportif, je ne peux pas me permettre de manquer un tel événement. Avec les Jeux Olympiques ce sont les événements sportifs les plus importants. D’ailleurs, nous proposons des packages pour le mondial donc il nous faut accompagner nos clients sur place. Et puis en travaillant avec la fédération, on aura certainement des choses à faire pour accompagner les Eléphants.

Pourrais tu nous parler de ces packages pour se rendre au Brésil ?

Le Brésil est un pays continent. Ca va être l’une des Coupes du Monde les plus compliquées pour les supporters. Recife est à peine à 4300 km de la Cote d’ivoire à vol d’oiseau mais pour s’y rendre il faut passer par le Togo ou l’Europe. Il y a un vrai problème logistique. Pour y aller, le plus simple est donc de le faire à travers d’un séjour sous forme de package global, c’est ce que nous proposons. Nous sommes les représentants de VIP Sports Travel, une grande agence d’hospitalité leader en Europe. Ils organisent des voyages pour les événements sportifs. Ils ont fait l’Euro en Ukraine, la CAN, la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Ils préparent l’événement depuis 4 ans, ils possèdent des bureaux au Brésil et proposent l’événement clé en main pour le client. Dans ce package vous avez votre billet, votre accueil à l’aéroport, les transferts pour les hôtels et les matchs, les guides, l’accès aux loisirs… Tout peut être organisé à partir de chez vous.

J’imagine que cela vaut une petite fortune ?

En effet, les coûts ne sont pas évidents. On avoisine 7000€ pour le 1er tour (12 nuits) en occupation simple. Si vous restez à deux, les coûts baissent légèrement, environ 6000€. Ce prix est hors billet d’avion. Ca reste un mondial où il faut prévoir un budget moyen de 10 000€ pour tout.

Si la CI va jusqu’en finale et qu’on veut vivre l’épopée jusqu’au bout ?

Brésil 2014 visas(Rires) Il faut compter quasiment le double. On peut bien évidemment réduire ces couts en choisissant des hôtels moins onéreux, en étant dans des villes un peu moins chères, en acceptant des déplacements plus longs, en se passant des guides même si ce n’est pas recommandé.

Certaines agences essayent de loger des personnes en pensionnat d’écoles mais ce sera quand même cher. Avec un budget de 6000€ on peut s’en sortir mais c’est le minimum pour les 3 matchs de poule. Rien que le billet d’avion compte entre 1500 et 3000€ en classe économie, ca prend une bonne partie du budget.

Ce n’est pas donné mais c’est le Brésil, pays du football, de la fête, de la joie, des vacances extraordinaires et en plus si vous êtes ivoirien c’est la chance de suivre son pays.

Quelle est votre cible?

Il y en a plusieurs. Certains professionnels doivent se rendre au Brésil. Il y a les officiels et leurs invités en dehors de ceux pris en charge par la FIFA. Après, il y a les sponsors, les politiques, les jeunes cadres, les passionnées, les supporters organisés (CNSE : Supporters ivoiriens à travers le monde qui sont aidés par le ministère)… tout ca forme une cible privilégiée. Ca reste en dehors de la plupart des budgets si on veut y passer une durée raisonnable. Rien que la procédure d’obtention du billet n’est pas facile. Le supporter lambda devra donc rester devant son écran.

On essaiera de faire venir le Brésil en Côte d’Ivoire. Il y a des projets pour des événements de ce type.

Que manque-t-il au sport ivoirien pour être au top niveau mondial ?

Il manque un très grand stade Olympique. L’équipe nationale joue dans un stade qui n’est pas représentatif du niveau de notre équipe. Des efforts sont faits. Murielle Ahouré va créer des vocations en athlétisme. Il faut des stars pour donner envie aux jeunes. Tout doucement notre pays va commencer à rayonner en athlétisme, taekwondo… Il y a d’autres disciplines moins médiatisées comme la pétanque où la Cote d’ivoire brille.

La crise a fait très mal à la Cote d’Ivoire et le domaine du sport y compris. Aujourd’hui les choses changent, les entreprises ont réussi à surmonter les problèmes et peuvent se permettre de communiquer de nouveau.

Mais même le football qui est le sport roi, peine à attirer des sponsors car le football local attire moins de monde qu’avant. Il faut plus de spectateurs, plus de visibilité à la télé pour que les sponsors viennent. Pour que les spectateurs viennent, il faut les faire rêver avec de belles images et du beau jeu. Pour que les télés viennent avec les moyens appropriés, il faut de l’argent donc plus de sponsors. C’est un peu un cercle vicieux. Il faut en faire un cercle vertueux. Il y a eu une prise de conscience par la Fédération qui y travaille activement. J’ai donc foi, mais il faut la collaboration de tous. Nous avons-nous même fait des propositions.

Quel est ton souhait pour le sport africain ?

Que le football ne truste pas tout bien qu’il restera le sport phare. Que l’industrie se diversifie. Que nous ayons plus de stars mais aussi plus de sportifs et d’infrastructures. Le sport est une véritable économie qui peut générer de l’emploi et des revenus.

Le football nous fait certainement manquer d’autres sportifs qui auraient pu éclore ailleurs mais c’est le sport roi, il se joue à 11 et c’est accessible à tous. C’est un sport qui permet de s’en sortir et de vivre correctement sans forcément être une star mondiale. Il faut créer l’attrait pour les autres sports et ça passe par les infrastructures.

sawadogoNFAAfrica Top Sports est partenaire de la Nuit du Football Africain qui aura lieu le 22 mai prochain à Abidjan. J’imagine que tu es au courant du projet, pourrais tu nous dire nous dire un mot sur l’événement ?

En effet, j’accompagne à titre personnel Yves Sawadogo le responsable du projet dans la mise en place du projet. Je parlais tout à l’heure des sponsors et de la manière de les attirer. La Nuit du Foot Africain fait partie de ces événements qui peuvent permettre de relancer le marché du sponsoring en CI. C’est une bonne chose qu’Africa Top Sports soit partenaire officiel, il faut des relais comme le votre car vous êtes de plus en plus omniprésents sur la toile.

Bravo pour ce que vous faites !


Vous pouvez contacter l’Agence P.A Sports pour avoir plus d’informations sur les packages du Mondial 2014 au Brésil :

Email : jeremie@pa-participations.com

Téléphone : +225 20 01 18 8