Afro Inspiration – Constantin Noumbissi, designer globe-trotter

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Né au Cameroun, éduqué en France et inspiré par le Japon, Constantin Noumbissi souhaite que son design reflète ses trois cultures.

Soucieux de transmettre sa passion aux plus jeunes, Constantin Noumbissi lance le Dream High Project pour les enfants du village de Mbalmayo (Cameroun). Nous l’avons rencontré pour discuter de son parcours hors du commun.

Bonjour Constantin, présente-toi pour nos lecteurs ? Quel est ton parcours ?

Salut, je m’appelle Constantin, j’ai 25 ans et j’espère ne pas trop vous ennuyer avec mes histoires. Je suis né au Cameroun à l’hôpital central de Yaoundé. Débarqué très tôt à Paris, j’y ai effectué toute ma scolarité, autant dire que je connais le Cameroun qu’au travers de mes parents et des vacances que j’y passe. En 2007, je découvre le design un peu par hasard et j’intègre l’École de Design Nantes Atlantique. J’y apprendrai un métier passionnant qui m’emmènera jusqu’au Japon !

nakajima no ochaya Tokyo
nakajima no ochaya Tokyo

Un Camerounais au Japon ? Que retires-tu de ton passage au pays du soleil levant ?

Je ne veux pas parler de rêve, mais c’est vrai que j’ai toujours voulu me rendre dans ce pays. C’est tellement lointain et fascinant qu’il est impossible de rester indifférent devant leur culture, qui a certains points communs avec l’Afrique noire. Malheureusement pour moi, je n’étais pas le premier Camerounais à m’y rendre haha… Il fait bon vivre au Japon, comme si tout y était facile, mais les problèmes de communication ou le simple fait de ne pouvoir lire, ne serait-ce qu’un menu au restaurant, transforment l’expérience en une véritable aventure ! J’y suis allé pour étudier, mais j’avoue avoir vécu plus qu’autre chose.

D’ou t’es venu l’idée de Noumbissi Design ? Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

Quand on crée une activité, on se met toujours un peu à nu. Si je laissai parler le philosophe, je dirais qu’avec noumbissidesign, c’est une partie de moi-même que je recherche. Je confronte les différentes cultures dont je suis issu et j’aspire à concevoir des produits qui ressemblent à cette génération de jeunes qui, comme moi, possèdent plusieurs identités culturelles. Et c’est aussi ce qu’il y a de passionnant dans le métier de designer, mettre l’individu au cœur de la réflexion, observer leur quotidien, leurs habitudes et tenter d’y apporter des solutions créatives et innovantes. On ne s’ennuie jamais !

Quelle est ta formation artistique ?

Ma formation artistique à proprement parler est assez sommaire. J’ai visité des musées à l’école comme tout le monde, mais j’ai réellement découvert l’art à mon entrée en école de design. Je remarque d’ailleurs que la plupart des gens ont tendance à assimiler le design à de l’art, mais en réalité, le design se trouve quelque part entre l’art et l’ingénierie. Chaque designer se situe vers l’un ou l’autre en fonction de sa sensibilité. Il y a un adage qui dit, ‘Il y a autant de définitions du design qu’il y a de designer’.

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Parle-nous de tes œuvres, tu en recenses combien, quels sont tes matériaux de prédilection ?

Je suis sorti de l’école en 2011, ce qui fait que je suis encore en phase de conception de mon activité. J’ai énormément de projets qui sont à l’état de maquette ou qui attendent d’être développés. Donc mes matériaux de prédilection pour le moment, c’est le carton ! Il faudra attendre encore un peu avant de voir les produits noumbissidesign inonder le marché…

Tu as notamment exposé à l’African & Afro-Caribean Design Diaspora ? Raconte l’expérience ! Et si tu pouvais exposer n’ importe où dans le monde ce serait dans quelle galerie et pourquoi ?

AACDD 2012 était vraiment excitant puisque c’était la première fois que j’exposais en dehors de la sphère universitaire et en plus, dans un environnement qui me correspond. J’avais déjà participé à la deuxième édition du festival en 2011 en tant que simple bénévole. J’y ai rencontré Karin BEATE PHILLIPS, une dame respectable qui se bat depuis de longues années pour promouvoir le design britannique & européen. Elle porte également beaucoup d’affection pour la culture africaine, ce qui la pousse à monter ce genre d’événements. Rencontrer pleins d’artistes qui partagent un parcours ou une vision commune ne peut-être qu’une source de motivation. C’était une expérience très enrichissante et malheureusement le festival risque de ne pas revoir le jour.

Alors, bien sûr j’aimerai être présent dans les plus grandes galeries d’Europe, mais la raison d’être des objets que je conçois est l’usage. Du coup, les lieux où je voudrais le plus être exposé, en réalité c’est chez vous.

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En fait qu’est-ce qui t’inspire, on sait qu’il y’a le Japon, mais en Afrique qu’est-ce qui t’allume en toi l’étincelle de créer ? À quel endroit du Cameroun puises-tu ta plus grande inspiration ? Quels sont les artistes camerounais qui t’ont le plus influencé ?

Quelqu’un à dit un jour, ‘Toutes les expériences sont bonnes pour la créativité’ ce que j’interprète par le fait que la créativité peut naitre de tout et n’importe quoi. J’ai choisi d’appeler mon activité noumbissidesign d’après le nom de ma mère. D’ailleurs si un Camerounais entend ça, il vous dira que c’est un nom Bamiléké. Ils sont avec les Bamouns, les ethnies qui manifestent le plus leur culture au Cameroun. Paradoxalement, je ne maitrise pas du tout leur art qui est pourtant mondialement reconnu. Je tâcherai de remédier à cela. Il y a tout de même une poignée d’artistes et de designers camerounais que j’admire : Jules WOKAM, «furniture designer» basé au Cameroun. Fred EBAMI, pop artiste entre Paris et Londres. Serges MOUANGUE, cross cultural designer qui partage mon intérêt pour le Japon et dont les travaux m’inspirent énormément. Sans oublier tous les gens très talentueux qui vivent leur passion dans l’anonymat.

Pourquoi cette volonté de transmettre ta passion aux enfants au travers du Dream High Project ?

Il y a surement une part de culpabilité. J’ai quitté le Cameroun pour la France à l’âge de 18 mois et je me sens privilégié. Je pense parfois à ce qu’aurait pu être ma vie si j’étais resté à Yaoundé. Et l’une des choses qui me frappent quand j’y retourne, c’est que les jeunes y sont certes très ambitieux, mais ne semblent pas avoir de rêves. Et c’est un peu ça l’idée de départ du projet : amorcer un voyage dans l’imaginaire pour y trouver des rêves pourquoi pas.

classe du village denfants de mbalmayo

En quoi consiste exactement le projet ? Combien d’enfants sont concernés ? Qu’est-ce qui est prévu ?

Dream High Project, c’est quatre workshops ayant pour thème : l’autoportrait, les super héros, la faune/flore et le village. Parfois seules et souvent en groupe, ces activités permettront à une quinzaine de jeunes (par thème) du village d’enfants de stimuler leur imaginaire et leur créativité via plusieurs modes d’expression. L’autre objectif étant de les soulager de leur condition et de les encourager dans la poursuite de leurs rêves, quels qu’ils soient. Je remercie infiniment Claude-Alvin MBAPPE TANKOUA, la Présidente de l’association SOS Village d’Enfants Cameroun qui rend tout cela possible. Le projet démarre cet été au mois de juillet pour une durée d’un mois.

Tu es tout seul ?

J’étais seul jusque très récemment, mais grâce à l’engouement que suscite le projet, j’en viens à rencontrer des jeunes qui comme moi sont prêts à s’investir. Ainsi, Jessica SAGOU, va m’aider à planifier, organiser, voir même dispenser les séances d’art plastique. Je suis très heureux de sa venue et je suis persuadé qu’on fera du bon boulot !

Si je suis intéressé quels sont mes moyens de supporter tes activités ?

À mon avis le plus simple est de laisser un petit message d’encouragement sur mon blog (noumbissidesign.tumblr.com). Cela te permettra de suivre l’actualité du projet et de me faire bien plaisir !

Quelles sont les difficultés que tu éprouves pour mener le projet Dream High Project et comment tu les surmontes ?

Le plus grand obstacle c’est le manque d’expérience, tout est nouveau pour moi, mais je suis armé de volonté, de courage et de patience, donc pas de sushi. ^^

Quels sont tes bons coups dont tu es le plus fier ? Des anecdotes à nous partager ?

Haha, j’ai bien des anecdotes, mais je préfère éviter de me discréditer tout de suite^^ pour rester dans le sujet, je vais plutôt vous raconter l’origine du nom du projet. Bon, comme vous le savez je m’intéresse de près à la pop culture asiatique dont je regarde régulièrement les séries télé. L’une d’elles, originaire de Corée du Sud, raconte l’évolution d’une poignée d’élèves dans une prestigieuse école d’art du spectacle. Issus de divers horizons et plus ou moins talentueux, ils sont tous animés par l’envie de réaliser leur rêve, quoi qu’il en coute. La série s’appelle Dream High, les plus curieux n’auront qu’à googler.

Constantin Noumbissi, designer globe-trotter

Parle-nous de la région du projet. Mbalmayo c’est où? Que peux-tu nous dire sur ta région que beaucoup de gens ignorent ?

Alors, Mbalmayo est une petite ville située à 50km au sud de Yaoundé, la capitale du Cameroun, mais c’est surtout là que se trouve le village d’enfants où le projet aura lieu. Pour s’y rendre depuis Yaoundé, on emprunte la route de Mbalmayo, qui comme par hasard, est jonché d’artistes et d’artisans.

Que faudrait-il pour développer l’art camerounais, qu’est-ce qui est le plus critique/urgent ?

Je connais vraiment trop peu le sujet pour apporter une critique constructive, mais on ne peut pas dire que l’art au Cameroun soit dans une situation critique. Des choses se font comme le Salon International de l’artisanat du Cameroun qui eut lieu l’année dernière ou encore le centre d’art contemporain de Douala. Nombreux sont ceux qui se battent pour faire émerger et rayonner l’art, l’artisanat et le design au Cameroun, mais ça prend du temps. Beaucoup de temps.

Si je te dis Afro Inspiration tu me réponds ? Ima wa Africa da ! (l’Afrique, c’est maintenant). Voilà. Merci de m’avoir lu jusqu’à la fin et n’oubliez pas le Dream High Project cet été au Cameroun. Toutes les infos sont sur mon blog. Mata na^^


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