Le racisme anti-asiatique que nous banalisons…

Une des illustrations du livre Vous les Asiates… capturée à l’aide d’un appareil mobile.

Le racisme anti-asiatique est trop souvent ignoré ou minimisé dans nos sociétés modernes. Pourtant, il prend des formes variées et profondément ancrées dans nos comportements quotidiens. C’est ce que le livre Vous, les Asiates…, écrit par Linh-Lan Dao, met en lumière avec force. À travers des témoignages poignants et des analyses percutantes, l’auteure dévoile l’étendue de ce racisme banalisé, trop souvent réduit à des stéréotypes «inoffensifs» ou à des micro-agressions invisibles. Mon propre cheminement m’a conduite à écrire cet article, car en lisant les témoignages je me suis posée la question : et si nous étions complices d’un racisme que nous refusons de voir ?

Un racisme ordinaire, enraciné dès l’enfance

Depuis l’enfance, j’ai toujours été frappée par un paradoxe douloureux : voir des personnes issues de minorités visibles dénoncer à juste titre les discriminations qu’elles subissent, mais rester silencieuses, voire cyniques,  face à celles que d’autres endurent. J’ai grandi en Ile-de-France, entourée de visages noirs, blancs, métissés, mais aussi asiatiques. Et ce que j’ai vu, trop souvent, c’est que les personnes asiatiques étaient les cibles préférées d’un racisme banal, constant, presque accepté. Dans les écoles, dans les transports, dans les moqueries du quotidien.

Je ne parle pas ici de violences spectaculaires. Je parle du racisme ordinaire. Celui qui blesse à coups de stéréotypes, qui marginalise sous couvert d’humour, qui invisibilise par automatisme. Et le plus grave, c’est que ce racisme, bien qu’orienté contre les Asiatiques, est parfois nourri par d’autres minorités. Par celles et ceux qui, ailleurs, réclament justice.

Cette image a été générée à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle à partir d’un contenu visuel préexistant.

L’antiracisme ne doit pas être à géométrie variable

Le livre Vous, les Asiates… est venu réactiver cette réalité que je n’ai jamais pu ignorer. Il ne m’a pas « ouvert les yeux », ils étaient déjà ouverts, mais il m’a offert une structure, une narration, un miroir littéraire dans lequel j’ai reconnu ce que j’ai longtemps tenté d’exprimer sans toujours trouver les mots justes. Ce livre met, également, en lumière la passivité collective. De la manière d’ignorer l’injustice quand elle ne nous touche pas directement.

Je suis noire, oui,  mais ma couleur de peau n’exige pas que je dois me refermer sur elle. Lutter contre le racisme, ce n’est pas un combat en silos. Ce n’est pas une compétition de douleurs. C’est un appel à l’humanité,  à la justice. Cette justice, elle doit être transversale, intercommunautaire, et inclusive.

Combien de fois m’a-t-on demandé, presque agacé, pourquoi je m’indignais pour les autres. «Ce n’est pas notre combat.» Vraiment ? Depuis quand la justice aurait-elle besoin d’un passeport communautaire ? Depuis quand dénoncer l’oppression d’un peuple serait une trahison envers les siens?

Une lecture qui met en lumière nos aveuglements

Ce que je retiens de l’ouvrage c’est cette exigence de lucidité. Regarder autour de soi. Voir ce que l’on ne veut pas voir. Reconnaître que nous avons parfois, sans le vouloir, participé à cette banalisation: par un rire, par une absence, par un silence.

La société française, comme tant d’autres, a encore du chemin à faire pour comprendre que le racisme n’est pas toujours bruyant. Parfois, il est «doux», «poli», presque invisible. Mais il agit. Il détruit. Tant que nous ne serons pas capables de dénoncer toutes les formes d’injustice, y compris celles qui ne nous touchent pas personnellement, alors nous continuerons à reproduire les logiques que nous prétendons combattre.

Ce livre de Linh-Lan Dao est un appel. Pas seulement à écouter les voix asiatiques, mais aussi à élargir notre conscience, car l’antiracisme sélectif n’est qu’une autre forme d’indifférence.

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