Tout ce qu’il faut savoir sur le tchip, le bruit de la femme Noire

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tchip
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Tchiiiiiip !, Tchip !, Tcchuip ! Ce son éminemment nuancé, variable, différencié, réalisé, mixé et remixé avec maestria par les femmes africaines et afrodescendantes est aussi un des grands marqueurs de la présence nègre dans le monde où depuis la nuit des temps il se paie un franc succès de hit parade. Bien qu’à tort quelques créolistes aient cru en faire un idiome exclusif à une culture insulaire caribéenne, séparée par amateurisme, volontarisme d’autonomie identitaire, ou relents idéologiques de rejet de l’Afrique trop obscurément noire des années 2000, les faits sont bien plus têtus.

Qu’il s’agisse des Africains Américains, des Africains des Caraïbes, des Créoles et des Africains anciens et contemporains, ils portent souvent cette marque linguistique que les Antillais nomment le Tchip, par référence au son produit par la pression de la langue sur le palais en aspirant le stock salivaire, ce qui, en entrouvrant la bouche, libère une sonorité particulière. Plus difficile à expliquer qu’à réaliser. (Voir Potomitan.info qui fait une analyse linguistique intéressante malheureusement faussée par son côté créolocentrique)

Ce fameux Tchip est à la base asexué, libre d’accès aux hommes comme aux femmes. Seulement, les femmes en font l’usage le plus généreux et le plus expert probablement. Il sert en fait comme un outil linguistique qui viendrait compléter le sens, l’émotion, la charge affective, non exprimable directement d’un message, d’une information.

Il peut jouer le rôle d’un déterminatif, d’un complément phonétique, permettant d’accentuer ou de préciser un environnement de sens, émotion, exclamation, lassitude … On peut distinguer deux grandes classes de Tchiiiip. Ce que l’on pourrait appeler un Tchip réflexif, traduisant les émotions, la vie non dicible du message qu’une personne s’exprime à elle-même, douleur, agacement, peine, comme dans la phrase: “je suis en retard, Tchiiip !”, et ce que l’on pourrait nommer le Tchip incident -rayonnement orienté vers un autre corps, au sens physique du terme- ad hominem dirigé contre quelqu’un, comme dans la phrase : “Pour qui te prends-tu espèce de maquerelle ! Tchip !”.

Si le Tchip incident est celui sur lequel règne la gent féminine nègre, il est celui qui s’entend le plus, prononcé à l’adresse de l’autre en guise de reproche, de marque de mépris, de concurrence, il est un parfait communiquant dans les rivalités de voisinages, de copinages, d’amours, de démonstrations de pouvoir d’achat, de rayonnement interpersonnel.

Ce succulent déterminatif provoque souvent les éclats de rire de ceux qui l’entendent et à qui il n’est pas destiné tellement chacun peut imaginer à sa façon l’aigreur des sentiments ou l’acrimonie contenue dans ce son.

Caractéristique très nègre unifiée par le berceau africain, le Tchip est associé à une infinité de variations phonétiques, ductile, allongeable selon l’intensité de l’émotion à transmettre, plus il sera long et bruyant plus la marque de mépris par exemple sera grande : “Ne t’occupe pas de ce qui ne te regarde pas Ttttchhiiiiiiiiiiiiiiiiipppp !”.

Le Tchip est par ailleurs miscible avec d’autres voyelles proches comme le “u” et produit là encore des variantes individuelles enrichissant son spectre de développement. En général il se place plutôt à la fin des phrases mais il peut également commencer une phrase, les usages sont assez variables.

Le Tchip est aujourd’hui à notre insu, un instrument linguistique et culturel caractéristique du monde nègre et à la richesse des effets de communications propres à ce monde, allant du langage non verbale abondant en gestuelles, mimiques et autres attitudes parlantes, à cette ressource à polémique cachée jusque sous la langue. Il pourrait être relié, du point de vue technique -production de sons non articulé à valeur phonétique- au click sud africain.

Je sais que ce propos ne plaît pas à tous, vous n’avez qu’à réagir si vous en êtes capables, Tchiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiipp !

Article rédigé par Tchip Go