Afro Inspiration: Yannick Eyeghe, Fondateur d’Adziik

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De retour sur le continent comme de nombreux autres jeunes africains de la diaspora, Yannick E. sillonne l’Afrique. Il est de ceux qui voit en elle une seule et même entité, d’ailleurs il pourrait aller jusqu’à dire l’Afrique, ce pays. Partisan de l’échange interafricain, il a monté une plateforme qui a pour objectif de rassembler tout le contenu africain multimédia (entre autre) et de le proposer à la vente. Nous l’avons rencontré pour vous chers lecteurs.

Afrokanlife Adziik Yannick Eyeghe
Adziik

Bonjour Yannick, peux-tu te présenter à nos lecteurs ? 

Bonjour je suis Yannick EYEGHE originaire du Gabon. Mon parcours est celui d’un enfant de la diaspora, parti du Gabon juste après le CM2. Une scolarité sans problème, j’avais plutôt le profil 1er de la classe et fan de sciences. Jusqu’à mon BAC scientifique je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire mais je savais que je voulais créer mon propre emploi. Et puis j’ai découvert la programmation, le côté créatif m’a séduit et j’ai persisté dans cette discipline. J’ai commencé par un BTS en alternance (les écoles d’ingénieur étant trop chères) que j’ai obtenu sans problème puis j’ai fait le choix de commencer à travailler (en 2007), les offres d’emplois étant abondantes à cette époque et avec des salaires plus qu’intéressants. J’ai donc fait le choix de la pratique plutôt que la théorie par laquelle j’apprends moins vite.

J’ai donc commencé une carrière de consultant qui m’a mené dans des secteurs d’activités et des entreprises totalement différentes. J’ai pu acquérir de l’expérience et surtout me faire une idée de ce que je pourrais faire de mon savoir. Après 7 ans de carrière, le déclic est arrivé et je me suis lancé.

Tu es rentré vivre sur le continent depuis quelques mois, qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Armé de mon expérience et des connaissances acquises, regarder l’Afrique me procurait une excitation sans pareil. Le champ des possibles y est si grand que les projets se créent par dizaines à la seconde dans ma tête. La question qui se posait était la suivante : rester un pion sur un échiquier déjà bien en place ou mettre le bleu de travail et aller apporter ma pierre à l’édifice dans lequel j’ai vu le jour. Le choix a été rapide, bâtisseur dans l’âme j’ai mis une calebasse sur ma tête avec quelques outils dedans et me voilà sur le chantier.

Si tu devais choisir un pays lequel choisirais-tu et pourquoi ?

Si je devais choisir un pays, je choisirais l’Afrique (je sais ce n’est pas un pays). Chaque pays présente des opportunités si différentes et si excitantes que faire un choix est très difficile. Pour moi aujourd’hui j’ai un business au Gabon mais à caractère panafricain. Je ne m’inscris pas dans la logique des frontières (qui nous ont été imposées). Nous devons nous ouvrir les uns aux autres, les échanges interafricains représentent un potentiel énorme. Je me vois avoir plusieurs entreprises basées partout en Afrique.

Parle nous de Adziik, livres numériques et achat de musique en ligne ?

Adziik (qui signifie musique en langue fang du Gabon) est une plateforme qui a pour objectif de rassembler tout le contenu africain (musique et littérature pour l’instant) afin de le proposer à la vente d’abord aux africains d’Afrique et de la diaspora, premiers consommateurs de ce contenu et aux reste du monde. Adziik veut passer un message, ouvrir un dialogue débarrassé de tous les clichés voire d’une certaine condescendance qui accompagne souvent les discours sur l’Afrique. En montrant une image différente de l’Afrique par la culture, adziik nous permet de nous raconter nous-même. Au-delà de ça, nous avons une création artistique riche, forte et talentueuse. Seulement cette création pour un grand nombre se monétise difficilement sur le continent. Nos artistes n’ont pas tous accès aux réseaux de distributions globaux. Adziik leur apporte un outil qui leur donne accès à ce réseau en leur permettant, gratuitement de mettre leur contenu en vente à l’échelle mondiale. Ainsi, quelqu’un souhaitant écouter de la musique africaine pourra venir sur adziik pour satisfaire son envie.

Comment t’es-tu retrouvé dans ce projet ?

Ce projet est la matérialisation de la phrase suivante : « Il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions » ou encore « on est jamais mieux servi que par soi-même ».

La frustration a été le moteur de ce projet. Alors que je recherchais sur la plateforme leader un artiste africain de mon enfance, très célèbre en Afrique, je l’ai trouvé nulle part… Ça a été un choc pour moi qu’un artiste qui remplit des stades en Afrique soit introuvable sur les plus grande plateformes. Et là je me suis dit que je devais faire quelque chose. J’ai ouvert ma boite à outils et j’ai commencé à bâtir.

Concrètement, comment ça se passe ?

Il y a deux points de vue.

  • Pour un artiste, il suffit de nous contacter à music@adziik.com et books@adziik.com pour nous soumettre son souhait d’être sur la plateforme. Nous signons le contrat et en toute autonomie, il construit son catalogue et le publie sur la boutique à sa guise. Ensuite, en toute transparence il suit l’évolution de ses ventes en temps réel.
  • Pour un utilisateur, le point d’entrée est l’inscription sur la plateforme. Celle-ci est gratuite. Une fois inscrit, le catalogue est consommable à souhait grâce aux moyens de paiement divers et variés que nous proposons en fonction du pays.

Tous les pays africains ne sont pas encore ouverts mais nous y travaillons d’arrache pieds afin de couvrir tout le continent car le consommateur africain est notre priorité parce que plus difficile (techniquement) à atteindre.

Afrokanlife Adziik Yannick Eyeghe
Adziik

Quelle vision en as-tu sur le long terme ?

Je vise bien évidement la place de leader sur le contenu musical et littéraire africain. Je veux faire d’adziik le HUB du contenu africain. Egalement, je souhaite être un acteur important dans la création d’emploi en Afrique. Quand on sait que nous avons le capital humain le plus important du monde, nous avons la responsabilité de ne pas le laisser mourir. Ce gaspillage ne nous est pas permis, il en va de notre survie. Créer des emplois qualifiés permettra de réduire l’éternelle fuite des cerveaux et aussi de garder ici les candidats malheureux à l’immigration clandestine. Je travaille pour être un acteur africain solide et bien implanté pour répondre aux besoins de notre continent. Il faut se prendre en main pour avoir le futur qu’on veut avoir.

Quelles sont les principaux freins au développement de ta plateforme ?

Les frontières bancaires sont un problème, le transport aérien inter africain, le problème de visas en constituent d’autres. Il est difficile d’aller rencontrer un client dans un pays voisin ici que par exemple de faire un Paris Londres pour les mêmes raisons. Le monde des affaires également n’a pas le dynamisme adéquat pour aller vite et surtout bon nombre de créateur de contenu ne sont pas professionnalisés pour des raisons diverses et variées. Mais malgré tout sur le terrain on arrive à concrétiser  les choses. La culture du contact physique plutôt que les échanges de mails ralentit également le business avec des acteurs dans d’autres pays du continent. Je reste cependant optimiste.

De manière générale, qu’est ce qui pourrait être amélioré dans l’utilisation des NTIC  pour un meilleur être en Afrique selon toi ?

Pour l’utilisateur, un service qui ne marche pas ou qui tombe souvent en panne est un service qu’on abandonne vite surtout si il n’est pas vital. Pour proposer des services de qualité, il faut des infrastructures solides. Sans cette base, il sera difficile mais pas impossible de proposer des services de haut niveau. Il faut également former les ressources locales afin de pouvoir répondre à la demande rapidement et à moindre coût. Le Gabon fait office de bon élève par les travaux engagés et les avancées réalisées en matière d’infrastructure en matière de télécommunications même si il reste du chemin.

En tant que jeune, quel avis portes-tu sur les scandales au sein des universités du Gabon récemment ?

Le problème dans les universités au Gabon dure depuis l’antiquité et j’avoue que je n’ai jamais saisi de quoi il en retourne exactement. Quelle sont les revendications ? Qui a tort qui a raison ? De plus mon éloignement du pays n’a pas facilité ma compréhension de la situation me permettant de me positionner. Cela dit je regrette quand même le manque de débat d’idées dans nos sociétés africaines. Les autorités sont souvent dans la réaction (pas forcement douce), ce qui n’aide pas à avancer. Je trouve dommage la répression envers la jeunesse. Nous devons apprendre à composer ensemble car nous sommes tous utile à nos sociétés.

Si tu devais changer quelque chose dans la mentalité du Gabonais lambda, qu’est-ce que ce serait ?

J’aimerais casser le fatalisme qui règne, abolir la fameuse phrase « on va encore faire comment ? » « on est au Gabon ici c’est comme ça ». Que les gens comprennent que le changement ne se décrète pas, il vient du cœur.

Si je te dis Afro Inspiration tu me réponds … ?

La jeunesse africaine. Rien d’autre ne m’inspire plus qu’elle.

Merci Yannick.


Pour plus d’informations:

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