Les fonctionnaires en RDC seront désormais payés par SMS !

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Le temps où les fonctionnaires en RDC étaient payés par des supérieurs qui n’hésitaient pas à prélever leur dîme au passage semble révolu. D’ici juin, tous devraient recevoir l’intégralité de leur salaire directement sur un compte bancaire, promet le gouvernement de la République démocratique du Congo.

Annoncée par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon au moment de sa prise de fonction il y a un an, la généralisation de cette “bancarisation” apparaît comme une petite révolution dans le pays.

Elle est rendue possible par le développement du “mobile banking”, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à son compte en banque via un téléphone portable.

Faute de succursales dans un pays grand comme l’Europe occidentale, où le revenu par habitant est d’environ 180 euros par an, les Congolais n’ont pas l’habitude d’aller à un guichet de Banque.

Le taux de bancarisation, c’est-à-dire le pourcentage de la population titulaire d’un compte en banque, n’atteignait que 2% il y a un an en RDC. Il a grimpé à 5,7% grâce à l’ouverture de comptes pour tous les fonctionnaires, a annoncé récemment la banque centrale. Les 130 000 fonctionnaires de Kinshasa ont été les premiers concernés et parmi les provinciaux, environ 150 000 en ont déjà profité.

D’ici juin, tous les agents de l’Etat devraient avoir un compte bancaire et y recevoir leurs salaires, selon le gouvernement. Mais il faut encore “huiler le système”, confie un responsable de la Sofibanque, l’une des premières banques à s’être lancée dans l’aventure, Hassan Wazni.

Munis de listings qui leur sont confiés par l’administration, les établissements bancaires ouvrent un compte nominatif à chaque fonctionnaire, qui est prévenu par un message sur son téléphone portable quand son salaire est versé.

En brousse, dans un endroit reculé, loin de toute banque, il peut alors recevoir du cash en se présentant à la boutique d’un opérateur téléphonique. Le système s’arrête là, pas de carte de crédit et encore moins de chèque.

“On rentre dans l’ère post-succursales”, explique Hassan Wazni. “Au Kenya, ce sont sept milliards de dollars qui transitent chaque année par ce système”, assure-t-il.

Premier avantage pour les fonctionnaires : percevoir, enfin, la totalité de leurs salaires. “La première fois, ils sont surpris”, relève le banquier.

Payés auparavant par leurs supérieurs, les salaires des fonctionnaires congolais, notamment des militaires, étaient en effet régulièrement ponctionnés, soit officiellement au titre de “frais de transport, de manipulation et de manutention des espèces”, soit arbitrairement.

Ainsi était-il courant qu’un soldat payé théoriquement 60 dollars par mois n’en reçoive effectivement que cinq, chaque niveau de sa hiérarchie ayant prélevé sa dîme, explique une responsable d’ONG travaillant avec l’armée.

La RDC compte environ un million de fonctionnaires dont le salaire moyen varie de 60000 à 100000 francs congolais (50 à 80 euros), ce qui représente une masse salariale d’environ 100 milliards de francs congolais (80 millions d’euros).

Une quinzaine de Banques sont impliquées dans l’opération. Parmi elles, la Sofibanque n’est présente en RDC que depuis trois ans mais a pu se lancer grâce à son outil informatique moderne.

L’établissement perçoit de l’Etat 3,5 dollars par client et verse aux opérateurs téléphoniques une commission comprise entre 1,2 et 2 dollars.

Même si jusqu’à présent la plupart des bénéficiaires ont retiré la totalité de leur salaire dès qu’il était mis à leur disposition, Hassan Wazni espère bien tirer partie du système en proposant à ses nouveaux clients un accès aux microcrédits.

L’Etat espère quant à lui ne plus avoir de “fonctionnaires fantômes” ou fictifs, inscrits sur les listes d’émargement mais dont les salaires vont dans d’autres poches. Récemment, la presse a annoncé qu’à Butembo, au Nord-Kivu (Est), trente écoles fictives employant 200 enseignants avaient été décelées.

Selon Hassan Wazni, 5% des salariés, probablement fictifs, ne seraient pas venus percevoir leurs émoluments. Les économies réalisées devraient permettre d’augmenter les salaires, a promis le Gouvernement. Déjà les policiers ont été augmentés ainsi que les militaires, mais leurs salaires restent minimes.

La semaine dernière, les entreprises privées ont été invitées par le Gouvernement à payer leurs salariés par voie bancaire “en vue de la transparence et de la bonne gouvernance, gages de l’amélioration du climat des affaires”, selon un communiqué officiel.

AFP