La conviction du Réseau africain des promoteurs et entrepreneurs culturels (Rapec) est que la lutte contre le sous-développement en Afrique pourrait aussi s’organiser autour du patrimoine culturel africain, qui, mieux gérées, constitueraient des leviers de croissance.
Pour rentabiliser l’activité culturelle et permettre aux différents acteurs du paysage d’en tirer la quintessence, l’organisation panafricaine réclame la mise en place d’une politique africaine harmonisée prônant sur le plan législatif, le secteur culturel comme une activité économique à part entière.
Aussi sous la présidence de John Dossavi, le Rapec a pour ambition d’être un véritable moteur de propositions pour une meilleure valorisation et protection du patrimoine culturel africain, qui donne déjà l’opportunité à ses gardiens d’en tirer profit, notamment à travers le tourisme.
Depuis 2002 par exemple, le tourisme est devenu le troisième produit d’exportation du Mali après l’or et le coton. Le secteur touristique représente 5 % du PIB et plus de 10 000 emplois ont été créés. Le pays accueille aujourd’hui plus de 450 000 visiteurs et l’industrie touristique 57 milliards de F CFA (environ 86 millions d’euros) d’investissements et 70 milliards de F CFA (environ 100 millions d’euros) de recettes en deux ans. Cependant, l’activité touristique ne devrait pas être le seul secteur à jouir de l’immense patrimoine culturel du continent.
Au cours des deux dernières décennies, le commerce mondial des industries créatives a quadruplé. Entre 1990 et 2008, les échanges commerciaux concernant les livres, les revues, la musique, les Arts plastiques, le cinéma et la photographie sont passés de 95 340 à 387 927 millions de dollars (environ de 66 170 à 269 223 euros). La plus grande partie de ces échanges s’est effectuée entre un nombre réduit de pays.
En 1990, le Japon, les États-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont atteint 55,4 % du total des exportations de biens culturels dans le monde et 47 % des importations ont été réalisées par les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Ces taux élevés de concentration ne semblent pas avoir beaucoup changé au cours de ces dernières années, bien que de nouveaux acteurs soient apparus comme la Chine qui est devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale. Toutes ces données montrent que les pays africains sont encore moins bien lotis en dépit de l’abondance des ressources culturelles dont dispose l’Afrique.
À quelques exceptions près, rares sont les acteurs culturels africains qui parviennent à vivre de leur métier. Les raisons de cette situation sont multiples : manque d’organisation de tous ces corps de métiers, absence de politique adéquate des gouvernements et des États pour mieux cadrer les activités culturelles. Au Mali, les producteurs et les sociétés d’édition estiment que neuf cassettes sur dix vendues sont contrefaites. En Afrique du Sud, la piraterie toucherait 33 % de revenus issus de l’industrie de la musique.
Dans la majorité des pays africains, les activités de piratage forment une véritable industrie à laquelle participent malheureusement certains artistes, producteurs et distributeurs. Et cette triste réalité n’affecte pas seulement les deux pays cités plus haut, mais presque toute l’Afrique.
En dehors des pratiques des pirates qui privent les producteurs audiovisuels d’une importante part de leurs revenus s’ajoute le manque d’ambition de certains dirigeants africains qui considèrent les biens culturels comme un produit de luxe. D’où l’application de taxes « fantaisistes ». Les taxes indirectes autres que la TVA sont de 22 % dans certains pays, d’autres comme la taxe municipale ou le droit de timbre de 38 %.
Le Rapec plaide pour l’adoption d’un régime douanier et fiscal pour soutenir la croissance de la filière, saluant au passage la politique du Burkina Faso où les taxes et redevances liées à l’exploitation des films africains sont supprimées. Le matériel ainsi que les consommables utilisés dans la production d’un film burkinabè bénéficient d’une réduction des taxes et droits.
Depuis sa création, le Rapec a fédéré plus de 3 500 entrepreneurs et promoteurs culturels africains dans les cinq régions de l’Afrique en organisant des forums et conférences avec le soutien de l’Organisation des Nations unies pour la science et la culture (Unesco). Des institutions comme l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (Alesco), l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA) ont également apporté leur soutien aux rencontres qui se sont déroulées au Maroc, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en France, au Togo et au Bénin.
Cette année, le Rapec a décidé de franchir un pas décisif. Pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique, les acteurs culturels de tous horizons se retrouveront du 11 au 13 octobre 2011 à Libreville au Gabon pour le congrès panafricain initié par le Rapec et ses partenaires.
La rencontre, dont la thématique tourne autour de la culture comme un levier de développement en Afrique, n’est pas un énième événement. C’est l’occasion de donner des clés de lecture différentes au grand public, de porter un autre le regard sur l’activité culture et surtout de faire des propositions concrètes aux autorités des États africains.
Face au déficit de compréhension dont souffre encore le secteur culturel en Afrique, le défi du Rapec est donc de convaincre les responsables et opérateurs économiques de tout son potentiel.
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* Premier Congrès panafricain sur la culture et son apport à l’économie du continent africain à Libreville au Gabon, du 11 au 13 octobre 2011.